Techniques d'excavation des cités naines :
Extrapolations à partir de l'exemple d'Erebor et de la Moria à la fin du Troisième Âge
et sur la base des données de l'archéologie minière médiévale.
© Christophe Moreau (Rekk), Chroniques de Chant-de-Fer, 2005.

II. Les techniques d'abattage.
L'abattage tient compte de la nature de la roche et de la taille du filon à exploiter, filon accessible par des voies aux noms divers et exploité en chambre.
A. Généralités
1) Terminologie
Les voies creusées dans la roche portent des noms divers : les cités naines de la Moria et d'Erebor comptent nombre de "tunnels" [10], de "couloirs" [11], de "chemins" [12], de "passages" [13] et de "galeries" [14]. Tunnels, couloirs, chemins, passages et galeries sont à l'évidence ici des synonymes. Mais il convient de ne retenir que le dernier de ces termes, qui désigne, dans le langage minier, tout passage souterrain pour l'exploitation d'un gisement minier.
2) Les densités de roche.
Comme le pense Sam, la majeure partie de la roche est dure [15], mais d'autres parties le sont moins, et les techniques varient en fonction de cette densité.
Par les lignes de faille : le plus souvent, les mineurs se servaient de faiblesses naturelles pour attaquer la roche, comme, par exemple, une série de cassures formant une ligne brisée [16].
  • En roche tendre : la partie centrale de la galerie est parfois brisée par un système de coins après creusement de deux saignées latérales.

  • En roche dure : ce creusement de la galerie se pratique de façon uniforme sur toute la surface du front de taille qui termine la galerie.

  • En roche très dure : l'usage du feu était fréquent dans le creusement des galeries ; on y entassait d'énormes fagots de bois avant d'y mettre le feu, destiné à ramollir une certaine tranche de roche ; puis on revenait sur les lieux une fois la fumée dissipée.
La vitesse d'avancement de telles galeries varient de 1 cm par jour (dans un roc dur) à 50 cm par jour en suivant une faille (ou davantage dans un terrain très fissuré qui se débite au pic). La moyenne en roche compacte est de quelques centimètres par jour.

B. Les voies d'accès au minerai et de communication : un réseau de galeries.
Les galeries se caractérisent par leurs dimensions, leurs inclinaisons et leurs sinuosités.
1) Dimensions.
Les sections des galeries restent très variables [17], mais il est possible de se hasarder à des estimations. Dans Bilbo le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux, les groupes de héros marchent en file indienne dans les cités naines [18], ce qui suppose que les galeries sont étroites : Bilbo suit un tunnel dont les extrémités ont 0,97 m de large [19] ; largeur semblable à celle des galeries médiévales dont la largeur oscille entre 0,38 m et 0,80 m, avec des parois renflées pour laisser passer d'éventuels chariots de minerai. En effet, l'existence de solives ou "rails" en bois pour guider des chariots n'étant pas indiquée, un certain écartement des parois est alors nécessaire pour permettre au "chareur" de diriger son chariot. La hauteur est rarement mentionnée, mais Bilbo suit un tunnel dont les extrémités ont 1,62 m de haut [20] et les hommes de la Compagnie de l'Anneau, tel Boromir ou Aragorn, ne se courbent pas pour marcher dans la Moria. Il est donc permis de supposer que la hauteur de la galerie est supérieure à la taille moyenne d'un être humain, c'est-à-dire qu'elle pourrait atteindre les 1,80 m, voire les 2 m.
2) Inclinaisons.
Les galeries épousent diverses inclinaisons [21]. Cela s'explique par la nature de la galerie. Elle peut être creusée sur une ligne de faille quand les mineurs se sont servi d'une fissure de la roche pour le creusement des galeries [22]. Elle peut aussi être creusée sur un filon, lorsque les mineurs se contentent de suivre une veine de minéraux, ou dirigée vers un filon, galerie appelée travers-banc. Si la faille, le filon ou le travers-banc sont inclinés, la galerie épousera leurs inclinaisons, de 6 à 10 degrés et guère plus, afin de pouvoir retenir le poids d'un chariot chargé.
  • Les galeries ascendantes [23] : le passage montant est creusé par tranchée remblayée, c'est-à-dire que le mineur creuse à la base du filon une première galerie. Puis il met en place un boisage au plafond de la galerie dont il se sert pour progresser vers le haut. Le stérile, autrement dit la roche ou la fraction du minerai ne contenant pas de minéraux exploitables, est alors entassé sur le soutènement au fur et à mesure de la progression verticale du mineur.

  • Les galeries horizontales [24] : leur creusement n'exige pas de méthodes spécifiques.

  • Les galeries descendantes [25] : les mineurs creusaient une saignée au plafond de la galerie, le long d'une ligne de contact, puis abattaient le minerai du haut vers le bas. C'est la façon la plus commune de procéder.
3) Sinuosités.
Les galeries semblent sinueuses [26] car les mineurs nains se contentent de suivre les filons de minerai et ignorent sûrement l'usage de la boussole, tout comme les membres de la Compagnie [27]. Il en résulte des réseaux particulièrement tourmentés faits de galeries aux sections très variables d'un tronçon à l'autre.
Les galeries donnent accès aux chantiers d'exploitation.

C. Les chantiers d'exploitation et les lieux d'habitation : les salles ou les chambres
La Moria et Erebor comprennent de nombreuses salles [28], qu'il convient d'appeler chambres dans le langage minier, dont certaines si grandes qu'elles nécessitent un étayage [29]. Cet étayage est issu d'un mode d'exploitation du minerai par piliers résiduels, qui comprend deux formes.
  • Exploitation par grande chambre : elle témoigne d'une parfaite connaissance de la mécanique des roches par la taille des vides créés, par le calcul des piliers adéquats et par la forme des voûtes retombant sur ces piliers. Le mineur fonçait, c'est-à-dire creusait verticalement des galeries parallèles à partir desquelles il creusait des chambres de plus en plus grandes qui finissaient par se rejoindre latéralement. La hauteur finale de la chambre était obtenue par le creusement d'une saignée, ou rigole, creusée dans un terrain pour en faciliter l'écoulement des eaux, dans la sole, partie inférieure d'une galerie ; saignée qu'il élargissait ensuite par éclatement de blocs de minerais.

  • Exploitation par chambres et piliers : ce type d'exploitation consiste à creuser des galeries en laissant en place des piliers, pouvant contenir du minerai, qui servent alors à l'étayage.
Les techniques d'abattage sont adaptées en fonction de la nature de la roche et de la taille du filon à exploiter. L'abattage donne progressivement naissance à un réseau de galeries et de chambres, mais ne va pas sans poser quelques problèmes d'ordre pratique.

Notes
[10] "Il [Bilbo] mena le vrai combat seul dans le tunnel" (Le Hobbit, XII, 1989, p. 263) ; "Frodon avait des aperçus […] d'autres passages et de tunnels" (Le SdA, II-4, 1992, p. 341).
[11] "Thorïn reconnaissait chaque couloir" (Le Hobbit, XIII, 1989, p. 295) ; "Ils [les membres de la Communauté de l'anneau] se trouvèrent dans un large couloir" (Le SdA, II-4, 1992, p. 342).
[12] "Ils [Bilbo et les nains] suivirent de larges chemins retentissant d'échos" (Le Hobbit, XII, 1989, p. 295) ; "Les chemins parmi lesquels il fallait choisir étaient multiples" (Le SdA, II-4, 1992, p. 342).
[13] "C'était un passage creusé par les nains" (Le Hobbit, XII, 1989, p. 261) ; "Frodon avait des aperçus […] d'autres passages et de tunnels" (Le SdA, II-4, 1992, p. 341).
[14] "Il n'y avait plus à droite ni à gauche d'ouvertures sur d'autres galeries ou tunnels" (Le SdA, II-4, 1992, p. 345).
[15] "Il devait y avoir une grande foule de Nains ici à une certaine époque, dit Sam ; et tous plus actifs que des blaireaux pendant cinq cents ans pour construire tout ceci, et la plus grande partie dans le roc dur, encore !" (Le SdA, II-4, 1992, p. 347).
[16] "Les murs et les sols étaient sillonnés de fissures […], et de temps à autre une crevasse s'ouvrait juste sous leurs pieds" (Le SdA, II-4, 1992, p. 342).
[17] "[Le passage] se faisait plus haut et plus large" (Le SdA, II-4, 1992, p. 345).
[18] "Ils [Bilbo et les nains] marchaient ainsi à la queue leu leu derrière Thorïn" (Le Hobbit, XIII, 1989, p. 265) ; "Gandalf avait pris la tête […]. Derrière lui venait Gimli, […]. Derrière le nain, marchait Frodon, […]. Après Frodon venait Sam, derrière lui, Legolas, les jeunes hobbits et Boromir. En arrière-garde, […] marchait Aragorn" (Le SdA, II-4, 1992, p. 341).
[19] "Une porte de cinq pieds de haut [1,62 m] et de trois pieds de large [0,97 m] se dessina […]. [Bilbo arriva] à l'extrémité du tunnel, c'est-à-dire à une ouverture de la même dimension et de la même forme que la porte d'en haut" (Le Hobbit, XI, 1989, p. 257, XII, p. 263).
[20] "Une porte de cinq pieds de haut [1,62 m] et de trois pieds de large [0,97 m] se dessina […]. [Bilbo arriva] à l'extrémité du tunnel, c'est-à-dire à une ouverture de la même dimension et de la même forme que la porte d'en haut" (Le Hobbit, XI, 1989, p. 257, XII, p. 263).
[21] "Frodon avait des aperçus […] d'autres passages et de tunnels, montant en pente douce ou descendant fortement" (Le SdA, II-4, 1992, p. 341).
[22] "Les murs et les sols étaient sillonnés de fissures […], et de temps à autre une crevasse s'ouvrait juste sous leurs pieds" (Le SdA, II-4, 1992, p. 342).
[23] "et les nains de monter toujours" (Le Hobbit, XIII, 1989, p. 295) ; "Le passage qu'ils [les membres de la Communauté de l'anneau] avaient choisi serpentait en montant régulièrement" (Le SdA, II-4, 1992, p. 345).
[24] "Il [le passage] continua ainsi régulièrement pendant assez longtemps avant de redevenir horizontal" (Le SdA, II-4, 1992, p. 341).
[25] "[le passage] descendait directement par une pente toujours égale" (Le Hobbit, XII, 1989, p. 261) ; "Après quelques sinuosités, le passage commença à descendre" (Le SdA, II-4, 1992, p. 341).
[26] "Ils [Bilbo et les nains] montèrent un escalier, tournèrent, suivirent de larges chemins retentissant d'échos, tournèrent de nouveau, montèrent un autre escalier, et un autre encore" (Le Hobbit, XIII, 1989, p. 295) ; "Après quelques sinuosités, le passage commença à descendre" (Le SdA, II-4, 1992, p. 341) ; "Le passage qu'ils [les membres de la Communauté de l'anneau] avaient choisi serpentait en montant régulièrement. Pour autant qu'ils pouvaient en juger, il décrivait de grandes courbes ascendantes et, en s'élevant, il se faisait plus haut et plus large. […] Ils parcoururent ainsi une quinzaine de milles, mesurés en ligne droite […], bien qu'ils dussent en avoir fait vingt ou davantage" (Le SdA, II-4, 1992, p. 345).
[27] Boromir se demande : "— Qui nous conduira à présent dans ces ténèbres mortelles ? — Moi dit Gandalf, et Gimli marchera avec moi. Suivez mon bâton !" (Le SdA, II-4, 1992, p. 340).
[28] "C'est ici la grande salle de Thror, dit Thorïn" (Le Hobbit, XIII, 1989, p. 295) ; "Ils [les membres de la Compagnie de l'anneau] étaient oppressés par la vastitude solitaire des salles excavées" (Le SdA, II-4, 1992, p. 346).
[29] "Ils [les membres de la Communauté de l'anneau] virent haut au-dessus de leurs têtes une vaste voûte soutenue par de nombreux et puissants piliers taillés dans la pierre. Devant eux, de part et d'autre, s'étendait une immense salle vide" (Le SdA, II-4, 1992, p. 346).